Une nouvelle campagne de vols scientifiques a repris, en octobre 2020, à bord de l’Airbus A310 Zero-G. Durant trois jours, des équipes de recherche venues du monde entier ont mené des expériences en apesanteur, entourées des médecins du laboratoire COMETE et du CHU de Caen Normandie. Rencontre avec Hervé Normand, professeur des universités et praticien hospitalier.
Quel est l’objectif de l’A310 Zero-G ? Pourquoi organiser des vols en apesanteur ?
Sur Terre, le corps humain est soumis à différentes contraintes physiques, dont la gravité terrestre. Ces contraintes n’existent pas dans l’espace : l’apesanteur dérègle la mécanique du corps, ce qui donne de précieuses informations sur le fonctionnement du corps humain. L’espace constitue donc un formidable laboratoire pour des chercheurs en médecine, mais aussi en physique et en biologie. Le vol parabolique, à bord de l’A310 Zero-G, est l’une des seules possibilités de simuler, sur Terre, ces conditions d’apesanteur. La 57e campagne scientifique du Centre national d’études spatiales, en octobre 2019, comptait une dizaine d’expériences embarquées donc celle de l’Université (GraCer) qui portait sur la distribution du débit sanguin cérébral. La 59e, qui vient de s’achever, embarquait Trans3D, un nouveau projet de COMETE qui porte sur les changements de morphologie cardiaque et de pression intra-thoracique en apesanteur. Ces études sont utiles dans la perspective de vols de longue durée vers la Lune ou vers Mars, durant lesquels l’organisme humain sera soumis à rude épreuve. Mais, elles sont utiles, plus généralement, dans des disciplines très diverses, pour la compréhension de phénomènes et la mise au point de technologies innovantes.
Comment se déroule un vol parabolique ?
Le vol parabolique permet de reproduire l’état d’apesanteur pendant une courte durée. L’A310 Zero-G monte à une hauteur de 6 000 mètres et maintient un vol stationnaire à vitesse maximale. La manœuvre consiste ensuite à cabrer l’avion à 47° pour monter à 9 000 mètres en 20 secondes seulement. Durant cette phase d’accélération, le corps est littéralement collé au plancher de l’appareil : la force de gravité est alors supérieure à celle de la surface de la Terre, ce qui donne l’impression que le poids du corps est multiplié par deux — c’est ce qu’on appelle l’« hypergravité ». Arrivé à 9 000 mètres, l’avion pique subitement du nez, effectuant une parabole, pour redescendre à 6 000 mètres. C’est durant ce vol parabolique, qui dure 22 secondes, que se créent les conditions d’apesanteur et que les expériences sont conduites. La force de gravité est alors égale à 0 G : le corps n’est plus attiré vers le sol et se met à « flotter ». Les pilotes remettent ensuite les gaz, ce qui entraîne une nouvelle phase d’hypergravité. La durée est très courte, mais suffisante pour étudier de nombreux phénomènes… d’autant que 93 paraboles sont réalisées sur les trois jours de vol, pour une durée totale d’apesanteur de 30 minutes.
Quel est le rôle du laboratoire COMETE dans ce cadre ?
L’université de Caen Normandie a un partenariat avec Novespace, une filiale du CNES, le Centre national d’études spatiales. Basé à Mérignac, en Gironde, Novespace organise des campagnes scientifiques pour le compte des agences spatiales française, allemande, chinoise, japonaise et européenne. À tour de rôle, chacune lance un appel à projets auquel répondent les équipes de recherche intéressées : chaque année se tiennent donc six campagnes scientifiques. En vertu de ce partenariat, c’est l’université de Caen Normandie qui assure la surveillance médicale à bord de l’A310 Zero-G, en association avec le CHU de Caen Normandie. Un médecin est présent lors de chaque vol scientifique, mais aussi lors de chaque vol découverte, Novespace proposant également des baptêmes pour vivre l’expérience de l’apesanteur. Pour ma part, j’ai déjà réalisé plus de 3 300 vols paraboliques ! UNICAEN fournit le support médical à bord et vérifie la conformité des expériences de recherche embarquées vis-à-vis de la loi française sur la recherche biomédicale. Le laboratoire COMETE conduit également des expérimentations à bord depuis plus de 20 ans, dans le cadre de nos propres programmes de recherche scientifique et technologique.
Prochain vol scientifique de COMETE en octobre 2021 !